En tant que physicien du CERN, je souhaite partager avec vous mes impressions après les échanges que nous avons eus en juin dernier lors d’un symposium à Venise dont les débats étaient consacrés aux orientations stratégiques à donner en matière de recherche fondamentale en physique des particules en Europe.
Au cours de cette semaine de rencontres entre plus de 600 physiciens venus du monde entier, il s’agissait d’évaluer les priorités scientifiques et les choix technologiques pour l’avenir de la discipline, à moyen et longs termes. Nous ne cachons pas notre enthousiasme : le concept du collisionneur de particules du CERN, le FCC, a reçu le soutien massif, quasi unanime, de la communauté des chercheurs. Les différents groupes de travail se sont en effet accordés sur la pertinence, voire la suprématie du programme FCC; qui intègre un FCC-ee suivi d’un FCC-hh. Ce complexe de collisionneurs de particules de haute performance deviendrait ainsi le principal outil de recherche mondial dans le domaine. Construit puis opéré par le CERN, il assurerait ainsi la succession des prestigieux LEP et LHC qui ont notamment permis la prédiction de la masse puis la découverte du boson de Higgs (à la bonne masse !).
Un vaste processus de validation de tous les paramètres nécessaires à la décision est maintenant enclenché. La recommandation qui résultera de ce symposium dans la cadre de cette mise à jour de stratégie sera notamment présentée au Conseil du CERN début 2026. Mais ce soutien formel de la communauté scientifique internationale marque d’ores et déjà un moment historique avec les débuts officiels d’une nouvelle ère dans le paysage des collisionneurs du futur, dans lequel le FCC occupe maintenant, de l’avis de tous, une place de choix : la première ! Une belle perspective pour la physique, pour l’Europe et pour notre cher territoire. Patrick Janot, Coordonnateur scientifique et des expériences du FCC
Des réunions thématiques pour enrichir la concertation
Dans le cadre de sa volonté de dialogue et de transparence, le CERN a récemment organisé plusieurs réunions thématiques avec différents acteurs du territoire. La rencontre du 5 mai avec des représentants d’associations environnementales, celle du 2 juin avec des acteurs du monde agricole, et enfin celle du 17 juin avec une communauté de géologues, témoignent de cette dynamique. Ces échanges, parfois complexes, ont permis de poser les bases d’un dialogue structuré, de recueillir les attentes et d’identifier les points de vigilance spécifiques à chaque domaine. Le CERN entend poursuivre cette démarche en organisant d’autres rencontres ciblées, afin de bénéficier de toutes les expertises utiles et d’enrichir collectivement la réflexion autour des enjeux environnementaux, agricoles, de participation, de mobilité, techniques, économiques…
3 questions à Yasin MakhloufiMaître Assistant, département sciences de la terre, Université de GenèveVotre département de géologie à l’Université entretient des contacts réguliers avec le CERN. En quoi consistent-ils ?L’université de Genève collabore avec le CERN depuis plusieurs années maintenant. Nous suivons notamment avec attention le projet du FCC car il est de grande importance pour tout le bassin Genevois. Des projets de cette ampleur sont essentiels pour recueillir les données du sous-sol.
Cette connaissance que le CERN est en train d’acquérir avec les études préalables en cours sera pour nous très important, tant du point de vue de la compréhension de la géologie du bassin mais aussi de la gestion des géoressources. Ce sont des données que nous avons rarement l’occasion d’acquérir. En quoi les données de géologie que le CERN mettra à votre disposition vous seront-elles utiles ?Ces données serviront à améliorer la connaissance géologique de la région. Dans nos travaux universitaires nous cherchons à savoir comment le bassin s’est mis en place et notamment l’histoire tectonique régionale qui est liée aux failles. Cette information est d’ailleurs importante et utile en matière de sécurité notamment dans le cadre de la sismicité. Connaitre la position de ces failles sert aussi pour la gestion des géoressources comme c’est le cas par exemple dans le cadre de l’exploration pour la géothermie. Comprendre le sous-sol pourrait permettre, à terme, de développer des énergies renouvelables dans la région. C’est une des nombreuses applications rendues possibles par cette acquisition de nouvelles données. Vous avez récemment été invité par le CERN à rencontrer d’autres géologues et évoquer le projet FCC. Qu’en avez-vous retenu ?Ces échanges entre géologues sont très enrichissants car ils permettent d’expliquer les travaux en cours et de rassurer les citoyens sur des sujets plus techniques. Nous avons par exemple évoqué les mesures mises en place par le CERN sur les aléas sismiques depuis la création du LHC. Ces aléas sont aujourd’hui également suivis dans les opérations d’exploration pour le FCC. Ce suivi permet de conceptualiser un ouvrage dans les meilleures conditions possibles en s’assurant que l’ensemble des risques sont compris et minimisés. Nous avons aussi discuté avec les géologues de l’impact éventuel sur les nappes phréatiques. Un suivi est réalisé sur les nappes et les rejets d’eau et le CERN a toujours été transparent sur ces sujets. Pour réaliser cette étude de faisabilité, le CERN s’est entouré d’une équipe d’experts capables de caractériser au mieux les risques tout en déployant les moyens nécessaires pour réaliser cette étape cruciale. Pour autant, nous continuerons d’accompagner cette organisation internationale afin d’apporter un avis critique sur les données recueillies et en faciliter l’interprétation en partageant le savoir-faire de l’Université de Genève et de notre groupe de recherche GE-RGBA.
Poursuite du dialogue territorial autour du FCC
Après une série de réunions d’information grand public qui se sont tenues en 2024 au CERN puis dans les communes du Canton de Genève et des départements de l’Ain et de la Haute-Savoie concernées par le tracé du FCC, un deuxième cycle s’engage en 2025.Le CERN, conformément aux recommandations de la Commission Nationale du Débat Public pour la France et celles du canton de Genève et de la Confédération pour la Suisse, avec toujours un lien avec les collectivités territoriales et les services des Etats hôtes proposera à nouveau une série de rencontres à compter du mois de septembre. Il s’agira notamment de partager les grands informations de l’étude de faisabilité qui a été rendue publique en avril, probablement sou des formats innovants, de présenter le calendrier de consultation du public et de décision, et d’évoquer les perspectives territoriales de façon plus locale en fonction des territoires concernés. Nous vous révélerons les dates et lieux dans notre prochaine édition, à la fin de l’été.
Journée portes ouvertes à l’Open Sky Lab : explorer le potentiel des sols
Dans le cadre des Journées d’étude des sols 2025, organisées par l’Association Française pour l’Étude du Sol (AFES) et accueillies par la Haute École d’Architecture de Genève (HEPIA), une soixantaine de chercheurs, praticiens et experts ont visité le 10 juillet le site de l’Open Sky Lab à Cessy, une plateforme d’observation unique dédiée au développement des fonctions du sol à partir de matériaux excavés localement. Cet échange a permis une discussion riche sur le potentiel des matériaux d’excavation à base de molasse pour créer des sols fonctionnels. Les participants ont réalisé un test à la bêche, un outil de diagnostic visuel utilisé pour observer la structure des agrégats du sol, installés et ensemencés en avril. Un constat partagé : la matière organique est essentielle pour structurer les sols construits à base de molasse. Plusieurs participants ont souligné l’importance de ces travaux pour bâtir des filières de réemploi fiables et de qualité pour les matériaux d’excavation, avec déjà des idées de collaboration qui émergent !Pour en savoir plus ici.
Le CERN observe la biodiversité sur le tracé étudié du FCC
Des investigations de terrain sont en cours sur les huit sites de surface envisagés pour le FCC afin d’étudier la grande, moyenne et petite faune ainsi que la fonctionnalité des corridors écologiques et les bryophytes. Pour cela, des pièges photographiques, des tubes-nichoirs et des tunnels à empreintes ont été installés temporairement dans certains secteurs afin d’étudier la présence des espèces et de les identifier. Certains les auront peut-être remarqués ? Que l’on se rassure, ces dispositifs, entièrement passifs et non intrusifs, ne présentent aucun danger ni pour la faune ni pour les usagers du site. Quelques pièges « trip-trap » au sol seront également déposés pendant de courtes périodes et relevés très régulièrement. Tous ces dispositifs sont régulièrement entretenus et seront retirés au plus tard en fin de campagne, en décembre 2025. Des visites de terrain périodiques accompagnent ces études. Les données collectées serviront à cartographier les zones de passage et à mieux comprendre la dynamique écologique locale, dans une perspective de préservation de la biodiversité.Par ailleurs, des études de terrain sont en cours sur le site existant du CERN à Prévessin-Moëns et dans ses environs, afin d’inventorier la biodiversité présente dans cette zone.